Forme: contours et transformation

›	Fond / Forme : la forme (la figure) ne se définit complètement que par son opposition au fond. La forme se détache par son organisation sur le fond désorganisé. Fond: amorphe, qui existe, mais ne nous intéresse pas; proprement défini par ce désintérêt qui en spécifie la (non)perception. Forme: comme abstraction de la complexité du réel, arrangement à forte cohérence interne, doté d'un facteur élevé de prégnance, ou de prévisibilité, qui tranche par rapport au milieu désorganisé du bruit environnant. Cette opposition Fond/Forme est à la base des théories gestaltistes dont se sont largement inspirées les esthétiques informationnelles (basées sur les principes d'une théorie de l'information) et dont l'efficacité se mesure a contrario par l'éclairage qu'elle offre sur bien des formes d'art expérimental contemporaines. Ainsi les oeuvres informelles (cf. U.Eco, L'Oeuvre ouverte) ou encore les oeuvres de "défiguration" qui nivellent la hiérarchie constitutive de toute perception en visant "moins à saborder l'oeuvre qu'à envoyer notre regard par le fond" (cf. D.Bougnoux. "Sur la mort annoncée de l'art, et les moyens d'y parvenir", Esprit, No 185, oct.92), où le bruit de fond devient signal, est converti en forme qui singe le fond, où le fond proteste de son existence et voudrait s'égaler à la figure, s'étaler sur le plan, où l'oeuvre scrute son matériau, interroge la matière pour y retrouver des systèmes de relation. Cette caractéristique de défiguration, de déformation, d'assomption du fond et du bruitage des formes, il nous semble la retrouver dans quelques oeuvres d'art informatique, enrichie de toute l'originalité paradoxale que leur milieu numérique peut receller. En effet, leur matériau n'est pas matière mais quanta d'information. En tant que numérique, ce matériau est sans fond, i.e. sans bruit informationnel. Nous illustrerons cette gestion originale (propre aux arts informatiques) du rapport dialectique entre forme et fond par l'exemple de trois oeuvres dont l'illisibilité construit cependant la figuration autoréférentielle du matériau constitutif de l'oeuvre informatique. Il s'agit de: "Le Mange-texte", de Dutey.J, oeuvre parue dans la revue alire, No 1 (1989) "Opus 1", d'Eric Sérandour, oeuvre parue dans la revue alire, No 10 (1997) "Nuit noire", de Dutey.J et Jane Sautière, oeuvre parue dans la revue alire, No 10 (1997) Si l'opposition Fond /Forme est ainsi déjouée, c'est sans doute au profit d'une mise en oeuvre des transformations. L'oeuvre de l'art informatique, plutôt qu'un travail sur les formes, consiste davantage en un travail sur les trans-formations. Ambroise Barras,        Université de Genève.
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